L’huile de palme, on en parle depuis de nombreuses années car elle fait polémique. Déforestation dans les pays producteurs. Usages industriels notamment pour produire du carburant (diesel). Enfin, dans l’alimentation, pour des raisons de santé. Elle est l’huile la plus produite, la plus exportée et la plus consommée au monde. Difficile d’y voir clair, d’autant plus que les articles en ligne ou les rapports d’ONG ne donnent pas de chiffres assez clair. En attendant les derniers chiffres des importations d’huile de palme en 2019, nous nous proposons d’apporter un peu d’eau au moulin de votre réflexion.
333 000 tonnes d’huile de palme importées en France en 2018
Il arrive donc en France, de l’huile brute et de l’huile raffinée, de palme et de palmiste, sous forme solide et liquide, à usage technique et industriel et à usage alimentaire pour les humains.
En téléchargeant le fichier des importations fourni par les douanes, nous avons produit un visuel des volumes d’huiles de palme importés, par type et par pays.
333 158 tonnes d’huile de palme ont été importées en France en 2018. Nous n’avons pas ajouté les importations d’huile de palmiste (voir ci-dessous). On remarque tout de suite que son usage principal est technique (65%). On le verra ci-dessous, essentiellement pour la production de carburant diesel pour nos voitures.
Deuxième information qui saute aux yeux, les importations proviennent massivement des Pays-Bas (33%). Effectivement, le port de Rotterdam est le plus grand d’Europe. Mais c’est aussi parce que ce pays est l’un des principaux responsables du développement impressionnant de l’huile de palme depuis ses colonies en Asie.
Vous remarquer
L’huile de palme, qu’est-ce que c’est ?
C’est une huile dite végétale, issue du pressage des fruits d’un palmier, le palmier à huile. Le nom scientifique du palmier à huile, Elaeis guineensis vient du grec ancien elaia qui signifie olive, en raison de ses fruits riches en huile. Cet élégant palmier, originaire d’Afrique intertropicale humide, est un lointain parent du cocotier.
Les grappes fournissent des régimes dont l’usage traditionnel perdure dans de nombreuses régions du monde.
Les fruits, très riches en huile, sont des drupes ovoïdes, charnues, réunies en « régimes » pouvant peser de 1 à 60 kilos. A l’âge adulte, un régime mûr pèse en moyenne 15 à 25 kilos et porte environ 1 500 fruits.Les fruits présentent une peau lisse protégeant une pulpe huileuse et fibreuse, elle-même recouvrant une coque noire très dure. Cette coque, percée de 3 pores germinatifs, protège une amande ovoïde pleine appelée « palmiste ». L’ensemble coque et amande constitue la graine du palmier. Ces graines servent aussi à la production d’huile de palmiste. Une fois broyées et l’huile retirée, on appelle sont résidu le tourteau de palmiste, qui peut servir en alimentation animale.
L’huile de palme est donc issue du pressage de la pulpe du fruit. Elle représente de 20 à 26 % du poids frais des régimes (Fresh Fruit Bunch). A l’état brut, elle est de couleur rouge, due à la présence de caroténoïdes. Elle est produite sur les lieux mêmes de production, dans les 48 heures qui suivent la récolte, après cuisson des régimes (stérilisation), égrappage puis pressage des fruits et décantation.
Origine et évolution
Les importations des produits du palmier à huile ont été stimulées, dès le XIXème siècle, par l’industrie de la savonnerie puis par la révolution industrielle et l’essor de la mécanisation. Ces importations se faisaient alors, principalement via le port de Marseille en provenance des colonies françaises du Golfe de Guinée.
Cependant, les crises successives (embargo sur les flottes napoléoniennes, crise du secteur de la savonnerie, prix des matières grasses alimentaires, …) puis la première guerre mondiale ont fait perdre au Golfe de Guinée la maitrise potentielle des flux internationaux des produits dérivés du palmier à huile. A la suite du second conflit mondial, les Pays-Bas ont installé une industrie prospère en Asie du sud. Les besoins sociétaux en matières alimentaires, mais également industrielles et aujourd’hui énergétiques ont dès lors complètement achevé de transporter les centres de production de noix de palme vers l’Asie.
Pourquoi l’huile de palme est si utilisée et par qui ?
Pour résumé, son rendement de production par hectare est très supérieur aux autres huiles végétales. À titre d’exemple, on produit 10 fois plus d’huile de palme sur une même surface de culture que d’huile de tournesol, et 7 fois plus que de l’huile de colza.
Elle est produite dans des pays où la main d’oeuvre est moins chère qu’en Europe. Elle est donc beaucoup moins chère à l’achat et dans un monde économique influencé par le prix, cela fait toute la différence. On vous laisse juge de savoir si le seul critère du prix doit compter, au détriment des aspects environnementaux et sociaux.
Enfin, elle a des propriétés très intéressantes pour les industriels de l’agro-alimentaire. En gros, elle reste solide et ne fond pas à température ambiante. Depuis 20 ans, l’augmentation de la part d’huile de palme s’est faite au détriment de l’huile de tournesol. Cette dernière est passée en moyenne de 40% d’utilisation en 1990 à environ 5% en 2010.
Qui utilise de l’huile de palme en France ?
De par ses qualités techniques et son prix, l’huile de palme est utilisée en alimentation humaine et animale ainsi que pour des usages techniques et industriels.
Dans l’agroalimentaire
L’huile de palme, nous la connaissons pour la plupart d’entre nous, seulement dans l’alimentation. En effet, elle y est très présente parce qu’elle possède des caractéristiques techniques qui ont satisfait à la fois les industriels et les consommateurs.
Dans l’industrie alimentaire, le principal intérêt est son point de fusion élevé. C’est à dire la température à partir de laquelle la graisse commence à fondre. Pratique pour ne pas avoir de gateaux trop mous ou laisser de trace de gras sur les mains.
Selon l’étude OQALI, publiée en 2012, les matières grasses de palme sont présentes dans environ 33% des aliments que nous consommons qui contiennent des matières grasses végétales. Soit 16,4% de l’ensemble des 14 718 produits pris en compte dans cette étude. Cette étude date et depuis, les campagnes d’informations des ONG ont participé à réduire sa présence.
La startup Yuka nous informe que 29 995 produits référencés dans l’application contiennent de l’huile de palme. 6 538 d’entre eux ont été scannés par les utilisateurs en France durant les 30 derniers jours.
D’abord le fait qu’elle soit « concrète », c’est à dire relativement solide à température ambiante, permet que les gâteaux, les produits de boulangerie, la margarine, etc ne « fondent » pas sur place ou dans nos mains. Elle évite ainsi d’avoir recours à des huiles hydrogénées. C’est à dire qui ont subi un traitement justement pour pouvoir éviter de fondre à température ambiante. Le problème, c’est que par ce procédé, elles contiennent alors les fameux acides gras trans, mauvais pour la santé.
Elle est également plus facile à travailler et tient mieux à la cuisson. Les industriels, littéralement « accros » à cette matière, freinent pour trouver des substituts.
Hygiène et beauté
La graisse, composante majeure des savons, a fait de l’huile de palme l’huile reine, et ce d’autant plus que l’utilisation du suif (graisse animale) a peu à peu été délaissée dans les secteurs qui touchent à l’humain. Ce point de fusion lui confère à nouveau cette propriété supérieure de rester compact à température ambiante et sa teneur particulière en certains acides gras offre des critères de choix pour les industriels, qui recherchent l’aspect moussant de leur savon.
Dans les cosmétiques, les différentes utilisations des acides gras, issus des huiles, permet d’obtenir des textures spécifiques. En effet, comme nous le verrons plus loin, la longueur de la chaîne de carbone (le nombre d’atomes de carbones associés entre eux) et le fait qu’elle soit saturée ou non, lui confère différentes propriétés techniques, qui répondent à des fonctions variés. Onctuosité, mousse, hydratation, émolience, etc.
Usages industriels et notamment les agro-carburants
L’huile de palme est aussi utilisée dans l’industrie du cuir et du textile, pour graisser et assouplir, dans l’industrie du métal pour refroidir les feuilles de métal. Dans l’industrie chimique comme additif dans les plastiques ou dans les gommes, dans les peintures, les encres, les bougies.
Enfin, une grande partie de l’huile de palme est utilisée dans la production d’agrocarburant. Les agrocarburants sont des carburants produits à partir de ressources agricoles, sont appelés dans le langage technique des Ester Méthylique d’Huiles Végétales (EMVH). Vu que nous avons à faire avec de l’huile vous pouvez être certain que c’est pour nos voitures au roulant au diesel.
À ce sujet, la raffinerie La Mède, exploitée par l’entreprise Totale, est autorisée d’importer jusqu’à 650 000 tonnes d’huile de palme. De quoi plus que doubler les importations.
Des chiffres en dessous de la réalité
Si nous voulons chercher à être plus précis sur les importations de produits du palmier à huile et ne pas se cantonner qu’aux données d’importations, il nous faut chercher à mesurer les volumes de produits du palmier à huile entrant en France, déjà incorporé dans des produits transformés, qu’ils soient alimentaire ou non.
Nous n’avons remis à jour qu’une toute petite partie des données présentées dans l’étude du cabinet d’étude économique Consultants Naturels.
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